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Le débat voulu par Macron met le feu aux poudres

La tension autour du Salon international de l’agriculture reste palpable à moins de 24 heures de son ouverture et de la visite d'Emmanuel Macron.

Pour la venue du président de la République le 24 février 2024 pour le premier jour du Salon international de l’agriculture, l’Élysée avait annoncé l’organisation d’un grand débat sur l’agriculture et la souveraineté alimentaire. Mais l’accueil qui a lui a été réservé a eu raison de sa tenue. Récit de 24 heures qui ont tourné au fiasco.

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L’Élysée déclarait jeudi en fin d’après-midi vouloir organiser lors de la visite d’Emmanuel Macron le 24 février 2024 au Salon international de l’agriculture un « débat le plus ouvert, direct et franc possible » d’une durée d’au moins deux heures et de le conclure avec « un cap nouveau pour l’agriculture française d’ici 2030 ».

Les invitations venaient alors tout juste de partir annonçait l'Elysée. Les représentants des syndicats et des filières agricoles, les industries agroalimentaires comme Bigard, les distributeurs comme Michel Edouard-Leclerc et Michel Biero pour Lidl mais aussi des scientifiques et des associations environnementales comme le Réseau Action climat, Générations futures et les Soulèvements de la terre étaient conviés.

Arnaud Rousseau refuse d’y participer

Un dernier invité qui a fait bondir Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA. Il a annoncé dans la soirée de jeudi son refus de participer à ce débat. Une position suivie par Jeunes agriculteurs.

L’Élysée a réagi en annonçant que les Soulèvements de la Terre n’étaient plus conviés « pour garantir la sérénité des débats », une organisation que le gouvernement avait souhaité dissoudre avant que le Conseil d’État n’annule cette décision.

Invité ce vendredi matin sur l’antenne de RMC et de BFMTV, Arnaud Rousseau persiste et signe. « Le président de la République fera ce qu’il veut, moi je n’irai pas, je ne serai pas l’acteur de quelque chose de cynique et je n’ai toujours pas compris ce qui a prévalu à ce type de décision », a-t-il déclaré. Des propos identiques à ceux d'Arnaud Gaillot, président de Jeunes Agriculteurs sur RTL. « Ce mouvement que le gouvernement lui-même a tenté de dissoudre, lance des cocktails molotov sur les gendarmes et détruit les biens des agriculteurs. Qui peut imaginer que les conditions du dialogue soient réunies ? Personne », a martelé Arnaud Rousseau.

Marc Fesneau espère que le débat pourra avoir lieu

Un son de cloche que l’on retrouve dans les paroles de Marc Fesneau. Le ministre de l’Agriculture était l’invité de la matinale de TF1 ce vendredi. « C’était une invitation inopportune, a-t-il estimé. On ne discute pas avec ces gens-là ». « Je considère que leur mode d’expression, c’est le casque, le masque et le cocktail Molotov », a-t-il fustigé.

Il reconnaissait « ne pas avoir de certitudes » sur le maintien du débat qui devait s’organiser dans le hall 1 du Salon international de l’agriculture ce samedi. « J’espère (qu’il) aura lieu et je pense (qu’il) aura lieu. […] on a besoin de travailler avec les syndicats », a-t-il ajouté.

Le ministre a annoncé qu’il échangerait de nouveau avec la FNSEA dans la matinée après de premiers échanges la veille dans la soirée. «On en reparlera ce matin, je pense qu’on a les bases de quelque chose qui permet de changer le logiciel de l’agriculture, c’est ça qui compte pour moi».

Un dialogue qui n’aurait pas changé la donne. Réuni en début d’après-midi ce 23 février, le conseil d’administration de la FNSEA a décidé qu’aucun représentant de la FNSEA ne participera au débat. « Les conditions d'un dialogue plus apaisé ne sont pas réunies et la dignité des agriculteurs est bafouée par cette démarche qui porte le sceau de la provocation. Dans ce climat d’exaspération, et face aux risques de débordement, nous demandons à ne pas tenir ce débat », a martelé Arnaud Rousseau dans un tweet sur le réseau X.

Des tracteurs pour empêcher Emmanuel Macron de rentrer au Salon

Le ministre de l’Agriculture reste vigilant face à « un climat éruptif (où) tout acte, toute parole, toute invitation créé la colère et de l’incompréhension ». La tension autour du Salon international de l’agriculture reste palpable à moins de 24 heures de son ouverture. La Coordination rurale et la FNSEA organisent aujourd’hui et cette nuit, des manifestations porte de Versailles où aura lieu le Salon de l’Agriculture. La FDSEA de l’Oise a annoncé qu’elle bloquerait aux côtés d’autres départements l’accès au Salon à Emmanuel Macron. La FDSEA du Nord a quant à elle appelé ses adhérents à allumer ce soir à 20h des feux sur les ronds-points du département « face au mépris du président de la République ».

La Confédération paysanne a de son côté refusé « de fournir 30 noms d’agriculteurs pour remplir les tribunes », a expliqué Laurence Marandola, la porte-parole du syndicat sur franceinfo. Même si elle a qualifié l’opération de l’Elysée de « mascarade pour mettre en valeur le président de la République et la FNSEA », elle n’a en revanche pas définitivement écarté sa participation ou celle de responsables de la Confédération paysanne. Un sujet qui restait « encore en discussion » en début d’après-midi ».

Les Soulèvements de la Terre assurent qu’ils ne seraient pas venus

Réagissant à cet imbroglio dans un tweet publié ce 23 février 2024, Les Soulèvements de la Terre ont assuré qu’ils n’aurait pas pris part à « cette opération de communication ». « Mais il est intéressant de noter que le gouvernement est toujours prompt à céder aux exigences du patron de la FNSEA », estime le mouvement.

Le groupe, présenté comme appartenant à la mouvance de l’ultragauche par le ministère de l’Intérieur, était l’un des organisateurs de la manifestation de Sainte-Soline en mars 2023 contre les « mégabassines » qui avait tourné à l’affrontement.

L’Elysée confirme « une erreur »

En toute fin matinée ce vendredi, l’Elysée a de nouveau tenté d’éteindre l’incendie en communiquant sur le réseau X une « clarification ». L’invitation des Soulèvements de la Terre annoncée la veille était « une erreur faite lors de l’entretien avec la presse en amont de l’évènement ». L’Elysée répète que ce mouvement n’a été « ni convié, ni contacté » et que des « contacts ont été pris avec des collectifs ayant par le passé perturbé le salon ». L’occasion pour l’Elysée de permettre une « expression constructive ». 

« Après l’appel des syndicats à ce que l’édition 2024 du Salon de l’agriculture « ne soit pas une édition comme les autres », la Présidence de la République a travaillé avec l’organisation du salon à la tenue d’un moment ouvert d’écoute et de débat sur l’avenir de l’agriculture française afin de confirmer les actions lancées ces dernières semaines, prendre de nouveaux engagements, et fixer le cap pour les années à venir », ajoute la présidence de la République.

Michel-Edouard Leclerc n’ira pas non plus

Deux heures après le message de l’Elysée, c’est au tour de Michel-Edouard Leclerc, président de Leclerc, de déclarer qu’il n’a pas reçu d’invitation au débat et qu’il se refuse de participer à ce qu’il qualifie de « grossière manipulation ». Dans un tweet publié sur le réseau X, il explique qu’il n’a « ni à jouer l’idiot utile d’une opération de diversion, ni à être l’otage de stratégies politiciennes liées aux prochaines élections européennes ».

Oreillette, la vache normande égérie du Sia sera en tout cas bien-là, elle. 

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